Dienstag, 25. September 2007



La part animale
,
premier film de Sébastien Jaudeau

Sortie 24 octobre 2007

Liens:
Extrait vidéo de
L'Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion

SOLARIS DISTRIBUTION SITE OFFICIEL DU FILM

PARCOURS PROFESSIONNEL Sébastien Jaudeau

Mittwoch, 25. April 2007

CINEMA - SEMPRE VIVU ! Un film de Robin Renucci

ODE A LA VIE

Le 13 juin prochain, sort dans les salles Sempre Vivu ! (Qui a dit que nous étions morts ?), premier long métrage de Robin Renucci, réalisé pour le cinéma.


L'oeil attentif, le coeur généreux, Robin Renucci est un cinéaste en voie de disparition. Anticonventionnel, l'acteur, connu, reconnu, refuse l'idée de vedettariat, se moque des compliments pompeux. Il est ailleurs. Chacun sa quête. Lui cherche l'indépendance de l'esprit, l'autonomie des corps, à travers l'art, l'acte créatif. Il choisit ses rôles, avec exigence, croise les destins de réalisateurs de renom tels que Michel Deville, Claude Chabrol, Bernardo Bertolluci, Jean-Pierre Mocky...
Passé derrière la caméra, il vient de réaliser son premier film pour le cinéma. Sempre Vivu! (littéralement « Toujours vivant ») est une création atypique, où comédie et tragédie avancent poings liés. Il y est question de l'homme, saisi avec tendresse dans ses paradoxes, ses affirmations. Toujours sincère même quand il ment ! Et puis de la Corse, bien sûr ! Terre d'origine du réalisateur, où s'est déroulé le tournage.
Robin Renucci nous a reçus à Paris, dans les locaux d'Agora Films, producteur et codistributeur du film. Rencontre avec un saltimbanque maniant les images et les mots avec jubilation.

Vous signez avec
Sempre Vivu ! votre premier film pour le cinéma. Comment est né ce projet ?
A l'origine, il y a les Rencontres internationales de théâtre en Corse* que j'ai mises en place en 1998 pour développer la création et l'imaginaire des habitants du petit village de montagne enclavé d'Olmi-Cappella, où sont mes racines. Dans ce film, j'ai souhaité continuer l'aventure en leur donnant la parole. J'ai eu envie de les filmer dans leur quotidien, leurs rêves, de mettre en valeur leur sincérité, leurs coups de gueule et leur timbre de voix. La plupart d'entre eux n'avaient jamais joué de leur vie.

D'une certaine manière, votre démarche a consisté à donner la parole au public. C'est très inhabituel...
Sempre Vivu ! est un film déroutant, dérouté même. Il sort des sentiers battus parce qu'il est fait sans acteurs connus, pour et par le public. En rompant avec l'idée du spectateur-consommateur, il cherche à susciter en lui des émotions, à l'emmener vers des territoires inconnus. Et surtout, à lui rendre une parole si souvent confisquée. J'ai donc ouvert un atelier d'écriture, dirigé par Ricardo Montserrat, écrivain, qui a réuni pendant un mois des participants venus de la Corse entière. Cela renvoie à la notion de « culture populaire » dont je suis issu et que je revendique, c'est-à-dire que chacun est capable de créer, mais surtout d'être l'artisan de sa propre vie et d'affirmer son identité.

Le pari était audacieux. Qu'est-il ressorti de cet atelier d'écriture ?
La matrice du scénario. A savoir l'idée d'adopter le point de vue d'un vieux maire qui a toujours été à la lisière de l'illégalité et qui cherche à se racheter en construisant un théâtre. Le début d'une farce en somme, pour mieux parler d'une situation réelle : l'enjeu que peut représenter la culture, ici la construction d'un théâtre, dans une campagne en voie de désertification. J'ai ensuite travaillé cette matière écrite collectivement pour structurer la narration et donner son rythme au film.

Sempre Vivu ! oscille entre légèreté et gravité de ton. Cela génère une oeuvre décalée, atypique.
Le film est fondé sur des vrais mensonges, de fausses vérités, des malentendus qui n'en sont pas, des non-dits assourdissants. L'influence de la Commedia dell'Arte est omniprésente. Par le choix de la comédie « à l'italienne », qui déplace la Corse un peu plus à l'est qu'habituellement, j'ai voulu distiller une humeur de « joyeux bordel ». Une dimension baroque, proche aussi de l'Europe centrale, et tzigane.

Selon vous, est-ce à travers le rire que l'on parvient à saisir la dimension tragique de l'être humain ?
La tragédie est tout à fait liée à la comédie. Cela se passe au même endroit. Les rires et les larmes partent du très puissant bas-ventre. Je suis convaincu qu'il fallait une farce pour raconter sans pleurer les ravages que font le mensonge, la corruption, l'autisme des administrations, l'égoïsme des gens au pouvoir. Il m'importait aussi de redonner de l'espoir, de rendre sa place à la langue, à la culture, et de réconcilier l'irréconciliable : les frères ennemis, la vie et la mort, les jeunes et les vieux, le vrai et le faux, les modernes et les anciens. Et pour finir d'imaginer un avenir vivant et joyeux.

Le passage à la réalisation était-il pour vous une évidence ?
C'est comme un accouchement. A la fois le plaisir de donner la vie, et, en même temps, la difficulté d'enfanter, de porter quelque chose qui est long.

Propos recueillis par Cécile Moreno

* Contact : ARIA (association des rencontres internationales artistiques).
Tél. : 04 95 61 93 18. Site Web : http://www.aria-corse.com



Robin Renucci sera le mercredi 20 juin aux Ecrans Eluard, à Bezons (Val-d'Oise), pour présenter son premier long métrage de cinéma,
Sempre Vivu ! (Qui a dit que nous étions morts ?).

Rendez-vous mercredi 20 juin, à 20 h 30
Cinéma « Ecrans Eluard »
162, rue Maurice-Berteaux, Bezons
Renseignement au 01 34 10 20 60

L'IMPERIALE DE VAN SU (ou comment je suis entré dans le cinéma en dégustant une soupe chinoise) - Raoul Coutard

NOUVEAUTE
Livre & Cinéma




Un livre de RAOUL COUTARD

(en collaboration avec Cécile Moreno)

Editions Ramsay (avril 2007), 22 €
(Fnac 20,90 €)




« Deux ou trois choses que je sais de lui »

J’ai rencontré Raoul Coutard, pour la première fois, un matin d’hiver 2003. Nous nous étions donné rendez-vous dans un petit bistrot, situé à deux pas de la gare Montparnasse, à Paris. Du fait des conditions météorologiques particulièrement capricieuses, paralysant une grande partie du trafic routier et ferroviaire français, nous avions dû, à plusieurs reprises, repousser notre entrevue.
Raoul résidait alors dans l’Eure-et-Loir. Les chutes de neige quotidiennes le retenaient sur ses terres. Il ne nous restait plus qu’à être patients, et à attendre sagement que l’adversité climatique cesse enfin de nous jouer ses vilains tours. Ce qui finit par arriver.
Un soir, je reçus un coup de fil de Raoul m’annonçant : «
On pourrait peut-être se voir le 16, à 10 h. Ca vous va ? Je vous appellerai la veille pour vous confirmer mon arrivée à Paris. Avec ce foutu temps, on est sûr de rien. »

Le 16 au matin, j’arrivai en avance à notre rendez-vous. Je pris place dans le café, choisissant un coin discret et tranquille, où nous serions à l’aise pour discuter. Puis j’appelai le serveur et passai ma commande. Un journal en main, je surveillai, ça et là, les entrées et sorties des clients du Vaugirard.

Imperméable moutarde, casquette verte, Raoul Coutard poussa enfin la porte du café. Il s’installa, commanda une bière, m’observa quelques instants. Puis, nous commençâmes l’interview. Nous allions passer plus de deux heures ensemble. Deux heures durant lesquelles, il évoqua sa rencontre avec Pierre Schoendoerffer autour de la fameuse Impériale de Van Su – c’est une soupe – , son travail avec François Truffaut, le tandem qu’il forma avec Jean-Luc Godard, sa récente collaboration sur le film de Philippe Garrel,
Sauvage Innocence

Puis est arrivé le moment où, comme quand un film touche à sa fin, on se sent envahi par cette furieuse envie de rester là, assis, malgré tout. De ne pas partir. Le générique commence à défiler. Il faut remettre son manteau. Quitter la salle.

A Bout de Souffle (1959) / Jean-Paul Belmondo & Jean Seberg

Avant de nous séparer, je lui posai une dernière question : «
Raoul, quelle est votre plus grande ambition dans la vie ? ». « Je n’ai jamais eu de grandes ambitions dans la vie, m’avait-il répondu, souriant à l’évocation de cette interrogation formulée par Patricia (Jean Seberg), dans A Bout de Souffle. Un jour, m’avait-il simplement confié, j’ai un copain qui m’a dit « moi, j’ai choisi la gloire ». Peut-être avait-t-il raison, car souvent elle permet beaucoup de choses, surtout vis-à-vis de son banquier ! Mais peut-être avait-il tort… Une chose est sûre, c’est que le cinéma est un métier d’une injustice totale. Il y a des tas de gens bourrés de talent qui n’auront pas la chance de l’exercer. Alors, la seule chose que l’on peut dire, c’est que finalement j’ai fait un film, puis j’ai réussi à en faire d’autres… et surtout, que je ne regrette rien. »
Puis de conclure, amusé : «
De toute façon, je ne suis pas le genre de mec à me retourner, pour me dire « j’aurais dû faire ci, j’aurais dû faire ça ». Je considère que l’expérience, c’est la somme des conneries que l’on a faites dans sa vie… Plus on en fait, plus on a d’expérience ! Ce qui importe est de comprendre pourquoi les choses se sont passées ainsi, de ne pas rester sans savoir et d’éviter tout malentendu avec soi-même et les autres. »

Fin de la conversation. Raoul reprit son train pour rentrer chez lui. Quant à moi, je retournai à la rédaction. Je dois avouer que j’étais en proie à un étrange sentiment. Une certaine allégresse à laquelle cependant venait se mêler une certaine frustration. Il y avait tellement de choses à dire encore. Tellement de choses à écouter. Encore.

Quelques temps après la parution de mon article, je décidai de le recontacter et lui proposai de le rencontrer à nouveau pour aller, cette fois-ci, plus loin qu’une simple interview. J’évoquai, non sans une certaine timidité, l’éventualité d’écrire un bouquin sur sa vie, son métier, ses souvenirs de tournage… D’abord, il m’écouta. Très réticent, il m’expliqua : «
Je ne sais pas vraiment si j’ai envie de m’embarquer là-dedans. Et puis, je ne vois pas l’intérêt de me raconter sur des centaines de pages ! ».
Je crois que c’est avant tout pour me faire plaisir qu’il a finalement accepté de me revoir. Après plusieurs rendez-vous et un mémorable «
Vous commencez à m’emmerder, Cécile ! » – j’avais une fâcheuse tendance à l’agacer en souhaitant que ce livre soit l’occasion pour lui de se mettre « en lumière » – nous étions arrivés à nous mettre d’accord. Le livre, si livre il y avait, ne serait ni une autobiographie, ni une compilation de questions-réponses, façon interviewé-interviewer, et encore moins un livre technique s’adressant uniquement à un public averti.

Pendant plusieurs mois, nous avons fonctionné de la façon suivante. Raoul s’enregistrait sur des bandes, me les faisait parvenir dès qu’elles étaient prêtes. De ces bandes sont nés des fragments de textes que nous révisions, à chaque fois, ensemble. Nous nous retrouvions régulièrement, dans l'Eure et Loir, ou dans son appartement à Nanterre, pour confronter nos points de vue.

J’apprenais à le connaître. Il m’apprivoisait.

C’est ainsi qu’a commencé à prendre corps cet ouvrage. Un livre où Raoul Coutard raconte, sans jamais trop se raconter, plus de cinquante ans de cinéma. Le lecteur averti, tout comme le grand public, y découvrira un homme franc et plein d’humour. Un homme qui se souvient, raconte ce qu’il a vu, ce qu’il a vécu, sans jamais se prendre trop au sérieux.

Et ainsi va la vie. Sous la lumière douce de Raoul Coutard, qui se dessine derrière ces pages.






Portrait de RAOUL COUTARD


De notre première rencontre, en 2003, était né ce portrait publié dans Nanterre info, journal local de la ville de Nanterre (Hauts-de-Seine)





Et l’homme créa l’image

Un jeudi matin du mois de janvier 2003. Dans un petit bistrot, situé à deux pas de la gare Montparnasse, à Paris. Imperméable moutarde, casquette verte, Raoul Coutard pousse la porte du café « Le Vaugirard ». Une silhouette peu connue du grand public. Et pourtant… L’homme a, à présent, plus de soixante-dix ans. Derrière lui, un parcours cinématographique extraordinaire l’ayant amené, en qualité de directeur de la photographie, à travailler avec des réalisateurs reconnus, pour la plupart, comme incontournables. Parmi eux : Pierre Schoendoerffer, Jean-Luc Godard, François Truffaut, Jacques Demy, Costa-Gavras… « Le grand public ne connaît jamais les techniciens du film, sourit Raoul Coutard. Et je pense sincèrement que ce n’est pas plus mal, même si, sans le chef opérateur, par exemple, il n’y aurait pas d’images, donc pas de film possible. » Aujourd’hui à « la retraite », bien que n’hésitant jamais à donner un coup de main à ses amis – en témoigne notamment sa récente participation au film du réalisateur Philippe Garrel, Sauvage Innocence -, Raoul Coutard partage sa vie entre Nanterre, où il s’est installé depuis une quinzaine d’années, et une petite bourgade de l’Eure-et-Loir, au cœur de la campagne. C’est avec une simplicité et une humilité non feintes, qu’il évoque ses souvenirs de tournage et retrace, pour nous, plus d’un demi-siècle de cinéma.


Hasards et coïncidences

«
Le cinéma est entré dans ma vie par hasard. » Une coïncidence issue d’une rencontre avec le réalisateur Pierre Schoendoerffer. En toile de fond : la guerre d’Indochine. Reporter et photographe pour Paris-Match et Life, Raoul Coutard s’engage, dès 1952, dans le Service Cinématographique des Armées. « C’est comme ça que j’ai rencontré Pierre, explique-t-il. Il se trouvait à Hanoï, moi à Saïgon. Il était cinéaste, j’étais photographe. De temps en temps, on se rencontrait entre deux reportages, mais nous n’avons, durant cette période, jamais travaillé ensemble. » Très vite, cependant, les deux hommes se lient d’amitié. En 1956, après la fin de la guerre, leurs destins se croisent à nouveau lorsque Schoendoerffer lui demande de devenir chef opérateur sur La Passe du Diable, un documentaire long métrage sur l’Afghanistan. « Comme je n’avais pas la moindre idée de ce que c’était qu’être directeur de la photographie sur un film, j’ai accepté. » Le tournage est long, compliqué. Première difficulté : réaliser un film en couleurs qui serait entièrement tourné en cinémascope, alors que les films de l’époque, étaient majoritairement tournés en noir et blanc. « C’était une véritable plongée dans l’inconnu ! », souligne Raoul Coutard. Autres aléas venus entraver le cours du tournage : la difficulté d’obtenir les autorisations et dérogations nécessaires pour pouvoir filmer. « La moindre prise de vue posait d’horribles problèmes politiques, se souvient-il. Finalement, tout s’est bien passé, le film a pu être tourné, même si au départ, nous n’avions pas mesuré l’ensemble des difficultés qui nous attendaient ! » Un premier épisode qui marque le début d’une étroite collaboration avec Schoendoerffer, puisqu’ils tourneront ensemble cinq autres films, dont La 317e Section en 1964 et Le Crabe Tambour qui obtiendra en 1977 le César de la photographie.

Le tandem Godard-Coutard

Mais, c’est avant tout à la « Nouvelle Vague » qu’on associe le nom de Raoul Coutard. Et, plus particulièrement au tandem qu’il forme, dès la fin des années 50, avec Jean-Luc Godard. Une complicité qui naît dès leur premier tournage commun, en 1959, sur
A Bout de Souffle. Refusant toute recherche de photogénie au profit d'une image nécessaire, ils créent ensemble une nouvelle forme de cinéma et donnent naissance à un style visuel tout à fait innovant, en s’appuyant sur la technique du reportage. Ni sens, ni beauté fabriqués : le film repose désormais non pas dans le « carte-postalisme » des images, mais dans l'ineffable qu'elles dégagent. « J’ai rencontré Jean-Luc, alors journaliste et critique pour Les Cahiers du Cinéma, dans les bureaux du producteur Georges De Beauregard. Il était arrivé avec un scénario de quelques pages tiré par François Truffaut d’un fait-divers lu dans Détective. » Une habitude, selon Raoul Coutard qui confirme qu’« il n’y a jamais eu de scénario pour les films de Godard ». « Il arrivait tôt le matin, se souvient-il, avec ce qu’il avait écrit la veille au soir sur son petit cahier, mais ne le montrait jamais aux comédiens. Il leur expliquait ce qu’il fallait faire, puis ils répétaient, après lui, les dialogues qu’ils avaient à dire. »
«
Nous étions tous un peu déconcertés par la façon dont Jean-Luc voulait tourner. A l’époque, c’était une véritable révolution. » En effet, le film est entièrement tourné caméra à l’épaule et exclusivement en lumière naturelle. « Attendu qu’il n’y avait pas d’éclairages, lorsque les conditions météorologiques ne le permettaient pas, on ne tournait pas ! » Malgré des tournages parfois tendus, difficiles, « mes relations avec Godard étaient excellentes et nous étions véritablement complices. » Ensemble, ils signeront de multiples chefs-d’œuvre : Le Petit Soldat, Une Femme est une Femme, Le Mépris, Alphaville, Pierrot Le Fou, Made in USA, Passion… L’étroite collaboration entre les deux hommes durera jusqu’en 1983, date à laquelle ils signent leur dernier film commun, Prénom Carmen.

« Faire du cinéma autrement »

Parallèlement, Raoul Coutard enchaîne les tournages, avec François Truffaut - ils tourneront ensemble cinq films (
Tirez sur le Pianiste, Jules et Jim, L’Amour à Vingt Ans, La Peau Douce, La Mariée était en Noir), Jacques Demy (Lola), Philippe de Broca (Un Monsieur de Compagnie), Costa Gavras (Z , l’Aveu), Edouard Molinaro (L’Emmerdeur) et tant d’autres… Mais une chose est sûre, le duo formé avec Godard reste très certainement le plus marquant : « Jean-Luc, confie-t-il, a toujours eu la volonté farouche de faire du cinéma autrement. Contrairement à Truffaut, par exemple, qui s’est très vite remis à faire du cinéma « classique » avec, bien entendu, son talent à lui, Godard est toujours resté dans une certaine recherche de fabrication.» Lorsqu’on l’interroge sur sa propre participation à la « Nouvelle Vague », Raoul Coutard répond simplement : « Elle a consisté à accepter de faire des choses que l’on ne fait pas normalement. Ce qui naturellement implique d’oser prendre des risques. C’est donc une aventure que l’on ne peut pas faire avec tout le monde. » « Je crois avant tout qu’un film doit être une histoire d’amour, insiste-t-il. Il faut avoir envie de travailler avec ce réalisateur là, ces comédiens là et l’équipe qui va avec. »
Mais, dites-nous Raoul Coutard, «
quelle est votre plus grande ambition dans la vie ? » « Je n’ai jamais eu de grandes ambitions dans la vie », sourit-il à l’évocation de cette interrogation formulée par Patricia, interprétée par l’actrice Jean Seberg, dans A Bout de Souffle. « Un jour, confie-t-il, j’ai un copain qui m’a dit « moi, j’ai choisi la gloire ». Peut-être avait-il raison, car souvent, elle permet beaucoup de choses et, surtout, vis-à-vis de son banquier ! Mais, peut-être avait-il tort. Une chose est sûre, c’est que le cinéma est un métier d’une injustice totale. Il y a des tas de gens bourrés de talent qui n’auront pas la chance de l’exercer. Alors, la seule chose que l’on peut dire, c’est que, finalement, j’ai fait un film et puis j’ai réussi à en faire d’autres… et surtout que je ne regrette rien. »

Et de conclure, amusé : «
De toute façon, je ne suis pas le genre de mec à me retourner pour me dire « j’aurais dû faire ci, j’aurais dû faire ça ». Je considère que l’expérience, c’est la somme des conneries que l’on a faites dans sa vie. Plus on en fait, plus on a d’expérience ! La seule chose est de comprendre pourquoi les choses se sont passées ainsi, de ne pas rester sans savoir et d’éviter tout malentendu avec soi-même, et les autres. »

Cécile Moreno

Raoul Coutard a lui-même réalisé trois films :
Hoa-Binh, une adaptation d’après La Colonne de Cendres de Françoise Lorrain (1969), La Légion saute sur Kolwezi (1979) et SAS à San Salvador (1982).



Eléments biographiques

Raoul Coutard est né à Paris, en 1924. «
Un parisien pur et dur », comme il aime à se définir lui-même. « Ma mère était parisienne, ma grand-mère aussi », confie-t-il. Bref, une tradition familiale, si l’on peut dire, avec néanmoins une exception qui confirme la règle, puisque son père, jadis comptable pour la maison pharmaceutique Roche, était, quant à lui, originaire de la Mayenne. Loin du cliché des titis parisiens, enfants terribles n’hésitant pas à faire « les quatre cents coups », Raoul Coutard mène une enfance et une adolescence paisibles et studieuses dans la capitale. « J’aimais bien l’école et je travaillais même très bien. Il faut avouer que j’ai eu la chance d’avoir de très bons professeurs. J’ai appris à lire et à écrire avec Bled », explique-t-il. Un enfant sage donc qui, loin de rêver des plateaux de cinéma, voulait être chimiste. Il sera d’ailleurs reçu au concours d’entrée de l’Ecole nationale de chimie de Paris.
«
N’ayant que très peu d’argent, j’ai dû cependant renoncer à poursuivre mes études et j’ai commencé à travailler directement. » Egalement passionné par la photographie, il décroche alors un petit boulot dans un laboratoire-photo. Une inclinaison qui lui vient très certainement de son père, « photographe amateur éclairé ». « Comme je suis assez curieux de nature, tout m’intéressait, jusqu’au moindre détail. Ce travail m’a donc permis d’apprendre un maximum de choses concernant la photographie et d’affûter mon savoir technique. » Un trait de caractère qui s’affirmera tout au long de sa vie professionnelle.